STEP

Investir dans le stockage hydro

UN PILIER DE LA TRANSITION ENERGETIQUE DURABLE A LONG TERME

La transition énergétique est plus que jamais au cœur des enjeux mondiaux et exige des solutions de stockage d’énergie adaptées à une diversité de besoins. Si notre précédent article a solidement établi la Station de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) comme la “reine du stockage d’énergie électrique”, soulignant sa maturité, sa fiabilité et sa capacité massive, il s’agit désormais d’approfondir cette analyse comparative face au déploiement massif des Systèmes de Stockage d’Énergie par Batterie (BESS).

Ces deux technologies, bien que complémentaires présentent des profils de risques et de rentabilité bien différents sur le long terme. Une mise en place rapide et des coûts par MW réduits font des systèmes BESS un investissement pertinent à court terme mais leur durée de vie limitée et la volatilité des prix des matières constituent un risque non négligeable dès le premier renouvellement, en général au bout d’une dizaine d’années. Les STEP, quant à elles, offrent une rentabilité accrue et une résilience économique supérieure.

Et au-delà de ces indicateurs de premier plan, les impacts respectifs sur la génération de crédits carbone de ces deux technologies, indicateur récent mais croissant dans l’évaluation des investissements durables, diffèrent là encore sensiblement. Comprendre ces différentes dynamiques est aujourd’hui fondamental pour tout investissement pérenne dans une transition énergétique véritablement durable.

LES PRINCIPAUX RISQUES ASSOCIES AUX SYSTEMES DE STOCKAGE D’ENERGIE PAR BATTERIE

Bien que les BESS offrent des avantages indéniables en termes de réactivité et d’efficacité, il est crucial de considérer les limites de leur viabilité à long terme et leur déploiement à grande échelle.

  • La durée de vie limitée des batteries

Un des principaux inconvénients des BESS réside dans leur durée de vie relativement courte par rapport aux STEP. Les batteries lithium-ion, technologie actuellement dominante, ont une durée de vie qui se situe entre 8 et 15 ans. Cette durée de vie est définie par le nombre de cycles de charge et de décharge que la batterie peut supporter avant que sa capacité ne diminue de manière significative. Plusieurs facteurs influencent la durée de vie d’une batterie tels que des cycles de décharge profonds et des températures élevées.

Abaqus PowerTech Systems

La durée de vie limitée des BESS n’est pas sans conséquences économiques. Elle nécessite un remplacement périodique tout au long de la durée de vie du projet, ce qui entraîne des coûts d’investissement supplémentaires ayant un impact significatif sur sa rentabilité globale. La nécessité de remplacer fréquemment les batteries soulève également des questions environnementales liées à leur fabrication, au transport et à l’élimination des batteries usagées. L’absence de filières de recyclage efficaces à ce jour soulève un défi complexe et coûteux qui peut entraîner des impacts environnementaux importants.

  • Composition des batteries et volatilité des prix des matières premières

La composition des batteries lithium-ion représente un autre défi de taille. Ces batteries sont constituées de matières premières critiques en raison de leur rareté, de leur répartition géographique limitée et des risques géopolitiques associés à leur approvisionnement.

Lithium, (essentiel pour l’électrolyte et les électrodes), cobalt (utilisé dans les cathodes pour améliorer la densité énergétique et la stabilité), nickel (utilisé pour augmenter la densité énergétique et la durée de vie), manganèse (contribuant à la stabilité et au coût) et le graphite (utilisé dans les anodes) sont les principaux matériaux utilisés dans les batteries lithium-ion.

Composition générique d’une batterie lithium-ion, Analyse économique du recyclage des batteries lithium-ion en Inde, Deshwal, Sangwan & Dahiya, 2022

Au-delà des impacts environnementaux et sociaux significatifs, en matière de dégradation des écosystèmes, de pollution de l’eau et de respect des droits de l’homme, que peuvent engendrer l’extraction et le traitement de ces matériaux, les prix de ces matières premières sont très volatils. Ils peuvent fluctuer considérablement en fonction de l’offre et de la demande, des tensions géopolitiques et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Cette volatilité engendre une incertitude économique pour les projets de stockage par batterie, car elle peut affecter les coûts d’investissement et donc leur rentabilité.

  • Une pression croissante sur les minéraux de la transition énergétique

La demande exponentielle de batteries lithium-ion ne se limite pas au secteur du stockage d’énergie. La transition vers la mobilité électrique exerce une pression supplémentaire sur les ressources en lithium, cobalt, nickel et autres, qui contribue à la volatilité des prix et aux risques de pénurie. D’ici 2050, la concurrence accrue liées à ces minéraux devrait augmenter considérablement, en raison de la croissance continue des marchés des batteries et des véhicules électriques.

Minéraux pour l’action climatique : l’intensité minérale de la transition vers une énergie propre, Banque mondiale, 2020

Cette pression s’explique notamment par un nombre limité de pays producteurs. La vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement, liée à d’éventuelles perturbations de la production ou des transports, des événements géopolitiques ou des catastrophes naturelles par exemple, contribuera à l’apparition de pénuries et à la hausse des prix.

Demande cumulée pour les minéraux nécessaire au stockage de l’énergie – Banque mondiale, 2020

LA RENTABILITE ACCRUE DES STEP SUR LE LONG TERME

Si les BESS peuvent sembler compétitives sur le court terme, notamment pour des applications de courte durée et grâce à des coûts d’investissement initiaux parfois plus faibles, une analyse approfondie révèle que les STEP offrent une rentabilité bien meilleure sur le long terme.

  • Capacité et coût-efficacité

Le facteur déterminant de la rentabilité à long terme des STEP est leur capacité à fournir un stockage d’énergie à grande échelle et de longue durée. Elles peuvent stocker des quantités massives d’énergie, jusqu’à plusieurs GWh de production, grâce à l’utilisation d’imposants réservoirs d’eau, ce qui leur permet de lisser les variations de production des ENR sur des périodes prolongées et d’offrir ainsi flexibilité, inertie, réserve primaire et sécurité d’approvisionnement aux réseaux électriques.

Les STEP deviennent donc plus compétitives en termes de coût par MWh stocké à mesure que la durée de stockage par cycle augmente. A partir de cycles de 8 heures et plus, les STEP deviennent plus économiques dès le premier renouvellement de batteries. Sur des cycles de stockage plus court, même si ce n’est pas l’utilisation première des STEP, elles deviennent aussi plus rentables que les BESS sur le long terme, grâce à leur longue durée de vie.

  •  Analyse des flux de trésorerie et du LCOS

Pour évaluer la rentabilité à long terme des STEP et des BESS, il faut analyser les flux de trésorerie sur la durée de vie de chaque technologie en prenant en compte les coûts d’investissement initiaux, les coûts d’exploitation et de maintenance, les revenus générés par la vente d’électricité ainsi que les coûts de remplacement des BESS. Cette analyse révèle que les STEP deviennent plus rentables sur le long terme grâce à une durée de vie beaucoup plus longue (jusqu’à 80 ans ou plus) qui optimise les revenus cumulés sur la durée de vie du projet.

Le Coût Actualisé du Stockage (LCOS) est un autre indicateur clé pour comparer la rentabilité de ces deux systèmes. Le LCOS représente le coût total actualisé du stockage d’un MWh d’électricité sur la durée de vie du projet. Une analyse du LCOS confirme que les STEP offrent un coût de stockage inférieur à celui des BESS pour les applications de longue durée.

ET CÔTE CREDIT CARBONE, ÇA DONNE QUOI ?

Les crédits carbone sont des instruments financiers qui représentent une tonne d’équivalent dioxyde de carbone (tCO2e) évitée ou séquestrée. Les projets qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre, tels que les projets d’énergie renouvelable ou de stockage d’énergie, peuvent générer des crédits carbone qui peuvent être vendus sur les marchés du carbone, créant ainsi une source de revenus supplémentaire.

Les crédits carbone jouent un rôle de plus en plus important dans l’évaluation économique et environnementale des projets énergétiques. Leur impact sur la rentabilité des STEP et des BESS sera central pour les investissements à venir dans les solutions de stockage.

  • Vers une augmentation prévisible de la valeur des crédits carbone

La prise de conscience croissante de l’urgence climatique, les objectifs de réduction des émissions de plus en plus ambitieux et l’expansion des mécanismes de tarification du carbone contribuent à une augmentation demande de crédits carbone. Des organisations telles que South Pole et l’IETA (International Emissions Trading Association) prévoient une hausse significative des prix des crédits carbone qui renforce l’attrait économique des projets énergétiques à faibles émissions de carbone.

  • La génération de crédits Carbone : comparatif STEP/BESS

Les STEP et les BESS peuvent tous deux contribuer à la réduction des émissions de GES en facilitant l’intégration des ENR mais leur potentiel de génération de crédits carbone varie en fonction de leur empreinte carbone respective et de la manière dont ces solutions sont utilisées.

Les STEP ont généralement une faible empreinte carbone opérationnelle, car elles n’émettent pas directement de gaz à effet de serre pendant le fonctionnement. Leur impact carbone est principalement lié à la construction de l’infrastructure.

L’empreinte carbone des BESS est principalement liée à leur fabrication qui nécessite l’extraction et le traitement de matériaux intensifs en carbone et leur remplacement fréquent augmente l’empreinte carbone globale du système. Par ailleurs, même si le recyclage des batteries progresse, il n’est pas encore mature ou généralisé pour absorber l’intégralité du flux de batteries en fin de vie, ce qui engendre une empreinte environnementale importante. Les STEP représentent donc un avantage certain en termes de génération de crédits carbone sur le long terme au regard de leur durée de vie plus longue.

Gains potentiels grâce aux crédits carbones dans le cas où on stocke de l’énergie renouvelable intermittente qui aurait été perdue
(intensité carbone = 0 gCO2eq/kWh)

En résumé :

Bien que les Systèmes de Stockage d’Énergie par Batterie (BESS) offrent des solutions précieuses pour les applications de courte durée et la stabilisation rapide du réseau, les Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) se positionnent comme un choix stratégique et durable pour le stockage d’énergie à long terme. Leur capacité de stockage massive, leur longue durée de vie, leur rentabilité accrue sur le long terme et leur contribution positive à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en font un pilier essentiel de la transition énergétique.

Investir dans le stockage hydroélectrique, c’est investir dans des infrastructures matures et performantes, capables de soutenir l’intégration croissante des énergies renouvelables et d’assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique de demain.